Le magazine de la DDC sur
le développement et la coopération
DEZA
Texte: Zélie SchallerEdition: 02/2023

Pour régler les différends locaux, le Rwanda a mis en place des comités de médiation fondés sur des pratiques de conciliation séculaires. Ces organes règlent un grand nombre de conflits avant la saisine des tribunaux. Les femmes y développent des compétences toujours plus reconnues.

Les femmes sont toujours plus reconnues pour leurs compétences dans la médiation des conflits. © Zélie Schaller
Les femmes sont toujours plus reconnues pour leurs compétences dans la médiation des conflits. © Zélie Schaller

Intègres, et disant la vérité. Ainsi sont perçues les femmes abunzi au Rwanda. Abunzi signifie «médiateur» en kinyarwanda. Chaque district du pays compte des comités de médiation, composés d’hommes et de femmes élus. Un mécanisme de justice informelle inscrit dans la Constitution qui poursuit une tradition plus ancienne.

Après le génocide en 1994 qui a coûté la vie à près d’un million de personnes, les institutions – tribunaux, police, prisons – ne fonctionnaient plus. Leur personnel était décimé ou exilé, leurs bâtiments pillés. Des milliers de prévenus étaient entassés dans des prisons, en attente de procès. Devant l’impossibilité d’une justice rapide, le gouvernement a alors décidé de réinstaurer une pratique ancestrale appelée gacaca, à prononcer «gatchatcha». Gacaca signifie «herbe douce», soit l’endroit où l’on se réunit. La procédure est participative: la population est à la fois témoin, juge et partie.

Enracinés dans une coutume de négociation, ces tribunaux communautaires avaient pour objectifs de dévoiler la vérité, d’accélérer les procès et de permettre la réconciliation du peuple rwandais. Ils ont été fermés en 2012. Pour régler les litiges civils, tels que les différends fonciers, les problèmes conjugaux ou les disputes d’héritage, les abunzi ont, eux, été instaurés en 2003. «Toujours actifs, ils allègent la tâche des tribunaux et contribuent au vivre ensemble», relève Dominique Habimana, responsable du programme Gouvernance à la DDC.

Élues au comité des abunzi par leur communauté, car réputées pour leur intégrité, Kampire et Domina ont suivi la formation dispensée par le programme pour développer leurs capacités. Les cours abordent plusieurs thèmes: le code de conduite des abunzi et leurs compétences, les techniques de médiation ou encore l’utilisation des différentes lois par exemple. Les deux femmes, qui vivent dans le district de Karongi à l’ouest du pays, ont renforcé leur confiance en elles et gagné celle de la communauté, et des hommes en particulier. «Puisque nous avons contribué à la résolution de conflits, les hommes sont maintenant convaincus que nous en sommes capables. Ils ont changé leur perception et nous ne sommes plus discriminées», se félicite Domina. Kampire acquiesce avec un large sourire.

Au-delà de leur mandat, les deux Rwandaises désamorcent les conflits également dans les familles. Reconnues pour leurs compétences, elles sont régulièrement appelées pour des conseils. Leur motivation? «Contribuer à la cohésion sociale et à la paix du pays.»

Comment fonctionnent les comités des abunzi

Les abunzi opèrent à deux niveaux: celui de la cellule en première instance et celui du secteur en cas de recours. Au Rwanda, la cellule représente le premier échelon administratif, le secteur le deuxième avant le district. Le comité des abunzi est composé de sept personnes bénévoles, élues par les conseils de la cellule et du secteur pour un mandat renouvelable de cinq ans. Les litiges sont enregistrés par le secrétaire exécutif de la cellule, qui les transmet au comité. Convoquées à une audition, les parties choisissent chacune un abunzi pour régler leur différend. Les deux abunzi retenus en désignent un troisième. Les quatre restants peuvent participer à la médiation, mais sans pouvoir de décision. Les trois abunzi écoutent les parties ainsi que les témoins. S’il y a réconciliation, la procédure est close. Dans le cas contraire, une décision conforme aux lois est rendue. Les parties peuvent faire appel au niveau du secteur. Les abunzi ne traitent que des affaires civiles, et non pénales. La plupart des différends sont liés aux terres, au bétail, à la succession ou à des problèmes familiaux.

Nous Déménageons. A partir d'avril 2024, vous trouverez toutes les histoires sur l'aide humanitaire et la coopération au développement de la Suisse sur ddc.admin.ch/histoires.

Nous nous réjouissons de votre visite!
Plus d’informations
Venez avec nous.