Carte blanche
De la démographie et du contrôle des naissances

Depuis quelques années, les démographes, statisticiennes et statisticiens ainsi que sociologues s’alarment. L'Afrique est le continent où la démographie est en pleine explosion, les femmes continuant de donner naissance à six à neuf enfants. Or, les ressources produites par l’ensemble des forces actives et des appareils d’État s’avèrent inférieures aux capacités de prise en charge des besoins des populations.

Ces réflexions s’appuient sur l’historicité de la démographie de l’Afrique et sur des projections à l’horizon 2050. De 100 millions en 1900, le nombre des Africaines et Africains a bondi à environ 275 millions en 1960, puis à 640 millions en 1990 pour atteindre aujourd’hui 1,4 milliard. Un chiffre qui devrait grimper à 2,5 milliards en 2050.

Si elles suscitent en Occident des inquiétudes, ces prévisions ne laissent pas indifférents certains gouvernements africains. Au Bénin, la question a fait l’objet d’un point d’attention du Conseil des ministres le 3 mai 2023 et des assises nationales se sont tenues en septembre. Intitulé «La croissance démographique et le développement», ce rendez-vous a abordé la thématique en fonction des prévisions dans tous les secteurs de la vie sociale et économique.

Le sujet induit incontestablement une question essentielle dans l’approche du phénomène: la natalité et sa régulation. Un vox populi, effectué par un journaliste de la télévision nationale, a révélé une certaine hostilité des gens contre la limitation stricte des naissances. À la question de savoir s’il y a nécessité de réduire à deux, voire à trois le nombre d’enfants par femme, les Béninoises et Béninois ont estimé qu’il s’agissait d’une question individuelle et qu’au niveau macro le pays n’était pas suffisamment peuplé pour diminuer le nombre de ses habitantes et habitants.

Dans la culture ancestrale, le concept de l’enfant roi, tel qu’il existe ailleurs, peine à prendre corps. Au Bénin, l’enfant est perçu comme une force économique qui doit contribuer, par son labeur, à la prospérité de la famille. D’où l’adoption de la polygamie, machine à produire des bras valides.

À côté de ce modèle, subsiste encore dans les mentalités l’idée selon laquelle une femme n’existe qu'au regard de son statut de mère. La maternité plurielle la valorise et lui confère un rôle social privilégié. Ainsi, avoir six, sept enfants constitue une source incontestable de richesses: une manière de perpétuer l’héritage familial.

Mais nous sommes en 2023. Alors que s’effectue une transition vers une société moderne intégrant les paradigmes nouveaux liés aux capacités du genre, la femme des campagnes – plus nombreuse et plus pauvre – demeure, en fin de compte, la seule personne pouvant décider de l’avenir de son ventre et de la démographie béninoise. Mais face à des siècles de traditions patriarcales, elle n’en a encore ni la conscience ni le pouvoir.