Le magazine de la DDC sur
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DEZA
Texte: Samuel SchlaefliEdition: 02/2019

Haïti a été dévasté à plusieurs reprises par des tremblements de terre et des ouragans ces dernières années. Les ingénieurs de la DDC construisent avec les populations sinistrées des maisons plus solides à partir de matériaux indigène.

Des artisans construisent des maisons plus stables dans le sud-ouest d'Haïti, ravagé par d’importants ouragans.  © DDC
Des artisans construisent des maisons plus stables dans le sud-ouest d'Haïti, ravagé par d’importants ouragans. © DDC

Haïti est l’un des pays les plus menacés par les catastrophes naturelles. Les habitants sont exposés à des risques tels que tremblements de terre, ouragans et inondations. D’importantes inégalités sociales, la corruption et une faible gouvernance aggravent la situation. Quelque 70% de la population vit dans la pauvreté et des centaines de milliers de personnes dépendent de l’aide humanitaire. Le dernier choc majeur, l’ouragan Matthew, a balayé le pays avec des vents pouvant atteindre une vitesse de 230 km/h. Plus de 100 000 maisons ont été détruites et peu ont été reconstruites depuis.

Formation en construction

La région de Port-Salut, dans le sud-ouest du pays, a été fortement touchée par cet ouragan. De nombreux villages sur les collines largement déboisées ne sont accessibles qu’en dehors de la saison des pluies, après un long et aventureux trajet en Jeep. «Des dizaines de milliers de personnes vivent toujours sous des bâches ou dans des cabanes de fortune formées de vieilles tôles et de piquets en bois», explique Martin Studer, chef de projet à la DDC, basé à Port-Salut. C’est lui qui a lancé, en 2016, le Projet d’appui à la reconstruction de l’habitat avec formation dans le Sud (PARHAFS). Objectif: fournir aux victimes de l’ouragan un abri sûr qui les protège des aléas climatiques et satisfasse leurs besoins existentiels fondamentaux. Ces personnes reçoivent également une formation en construction afin de pouvoir entretenir, réparer et reconstruire elles-mêmes leur maison à l’avenir.

L’an dernier, une équipe d’architectes suisses et d’ingénieurs locaux a organisé des ateliers. Des maçons et des charpentiers expérimentés ont ainsi appris aux participants à améliorer de façon significative la statique et la stabilité des constructions grâce à une ossature de bois adaptée au milieu. Ils ont utilisé des ressources locales: pierres, argile, poutres en bois récupérées des maisons détruites et chaux vive. «Nous renonçons délibérément à importer des matériaux de construction tels que ciment, acier et bois. Ces derniers sont chers et leur acheminement de la capitale Port-au-Prince vers les villages reculés serait difficile», note Martin Studer.

À ce jour, 90 artisans, hommes et femmes, ont été formés à cette méthode, appelée «Technique de construction locale améliorée». Deux maisons pilotes ont déjà été construites, et 150 autres, destinées aux familles défavorisées, sont en cours de construction dans la commune de Roche-à-Bateau. D’ici à la fin de la première phase du projet, en 2021, 500 nouvelles unités sont prévues.

Avant et après: les constructions sont plus stables grâce à une ossature de bois adaptée au milieu.  © DDC
Avant et après: les constructions sont plus stables grâce à une ossature de bois adaptée au milieu. © DDC
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De l’eau à portée de main

Martin Studer et son équipe ont adopté l’approche «conditional cash». Chaque famille reçoit 3000 francs suisses pour la construction de sa maison: un montant qu’elle peut utiliser pour acheter des matériaux auprès de certains fournisseurs. S’y ajoutent 300 francs, destinés à l’acquisition d’un bassin de rétention des eaux pluviales.

La disponibilité immédiate de l’eau allège le quotidien des femmes, souvent contraintes de marcher de longues heures jusqu’à la source la plus proche. Le budget mis à disposition permet de construire une maison de 24, 30 ou 40 m2, selon l’apport personnel possible. Les artisans perçoivent un salaire journalier moyen de quinze francs. Afin d’encourager l’épargne, celui-ci est versé sur un compte auprès d’une microbanque locale.

Autre pilier du projet: les hébergements d’urgence résistant aux tremblements de terre et aux tempêtes. Ils visent à protéger les communautés en cas de nouvel ouragan ou de séisme. «Nous travaillons en étroite collaboration avec la protection civile. Ces abris permettent également la distribution de matériel de secours après une catastrophe», indique Martin Studer. Dans les montagnes au-dessus de Port-Salut, un prototype d’abri communautaire pouvant accueillir quelque 200 personnes est actuellement en cours de construction. Il comprend un enclos destiné aux animaux d’élevage, ceux-ci représentant pour les agriculteurs une forme d’assurance-vie après une catastrophe. Parce que les semences revêtent la même importance, des récipients spécifiques sont également prévus.

Administration léthargique et attentes élevées

Vingt-deux collaborateurs de la DDC travaillent actuellement au bureau de Port-Salut. «Souvent sur le terrain, nous sommes proches des gens: ils nous reconnaissent, relève Martin Studer. Ce sont les bases de la confiance et d’une coopération solide.» Les lenteurs administratives constituent son grand souci actuel: «Nous ne parvenons souvent pas à joindre les personnes importantes ou alors les réunions sont reportées à plusieurs reprises.»

Les partenaires nourrissent, de surcroît, des attentes élevées. «Nombre d’entre eux ont entendu ou vu comment d’autres bailleurs de fonds construisent en Haïti. Au lieu de simples latrines, les gens souhaitent de ‹véritables› WC avec chasse d’eau, alors qu’il n’y a pas de cuvette.» Martin Studer demeure optimiste: «Chaque maison achevée accroît la motivation de nos partenaires.»

«Lassitude des donateurs»

Si le tremblement de terre qui a dévasté Haïti en 2010 a donné lieu à un vaste élan de solidarité, de nombreux bailleurs de fonds délaissent désormais le pays, observe Christoph Schild, chargé des programmes haïtiens basé à Berne. «Nous ressentons, en ce moment, une ‹lassitude des donateurs›. Fin 2018, moins de 12% du Plan de réponse humanitaire des Nations Unies pour Haïti a été réalisé.» De nombreux bailleurs de fonds ne font plus confiance au gouvernement haïtien, notoirement faible et peu fiable. Depuis l’ouragan Matthew, on estime que seule 15% de la reconstruction a été effectuée dans la province du Sud. «Le PARHAFS se révèle donc très important, souligne Christoph Schild. Dans la région de Port-Salut, nous comptons parmi les rares organisations actives dans la reconstruction: la population dépend de notre soutien.»

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