La DDC met fin à son engagement bilatéral au Pakistan, après plus de 50 ans d’activité. Que restera-t-il? Comment effectuer un tel départ?
Une espérance de vie de 50 ans, un produit intérieur brut (PIB) atteignant 6,5 milliards de dollars: tel est le visage du Pakistan en 1966, lorsque la DDC entame ses activités dans ce pays d’Asie du Sud. Alors que celle-ci y cesse ses activités, les traits ont changé: l’espérance de vie s’élève à 67 ans, le PIB culmine à 300 milliards de dollars et le pays est classé dans le groupe de revenu moyen inférieur. Une performance à laquelle la Suisse a contribué.
Cette dernière a investi près de 700 millions de francs au Pakistan ces cinq dernières décennies. Dans un premier temps, l’accent a été mis sur la lutte contre la pauvreté, l’agriculture et la sylviculture. Par la suite, des domaines tels que la bonne gouvernance ou l’utilisation durable des ressources naturelles ont été privilégiés. La DDC a également fourni une aide humanitaire importante en soutenant les réfugiés afghans ainsi que la reconstruction après le tremblement de terre de 2005 et les inondations de 2010.
Pendant toutes ces années, la Suisse a œuvré en faveur des plus démunis et des régions situées au nord-ouest, autour de la capitale régionale Peshawar. «Pour un pays donateur de petite taille, s’éparpiller signifie perdre toute visibilité dans un pays aussi vaste», relève Daniel Valenghi, directeur du bureau de coopération au Pakistan, chargé d’accompagner le retrait suisse. C’est pourquoi la DDC s’est toujours concentrée sur les populations vivant dans les conditions les plus difficiles, tout particulièrement dans des régions rurales ou montagnardes isolées.
Le gouvernement pakistanais appréciait fort cette coopération, poursuit Daniel Valenghi. Le départ suisse n’est donc pas accueilli avec enthousiasme. Deux éléments expliquent la qualité des relations établies: un engagement continu ainsi que l’attitude toujours neutre d’une Suisse sans passé colonial. Dans un pays aussi grand, toute avancée peut paraître modeste. Une certitude néanmoins: «Vu le budget dont nous disposions, les effets se sont révélés importants», souligne Daniel Valenghi. Ces derniers pourront faire l’objet d’une évaluation dans cinq ou dix ans. La DDC a, par ailleurs, produit plusieurs publications offrant un aperçu des projets et des résultats atteints (voir encadré).
Initialement, la DDC n’entendait pas mettre fin à son engagement avant 2022. Or, les coupes budgétaires votées par le Parlement en 2017 ont accéléré le processus: le bureau local sera fermé d’ici à la mi-2020. En principe, un retrait se prépare six à sept ans à l’avance, note Daniel Valenghi. Chaque projet doit être planifié pour être bouclé ou transmis à des partenaires locaux. Utilisée désormais par le gouvernement pakistanais, la base de données virtuelle sur les droits humains, mise en place par la DDC en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement, en est un bon exemple.
La situation se révèle plus compliquée si un projet ne peut être achevé avant le départ, comme c’est le cas des microcentrales hydroélectriques dont la DDC a soutenu la construction dans les vallées de Yarkhun et de Laspur, au nord-ouest du pays. L’infrastructure fonctionne et produit de l’électricité, mais les turbines doivent être désormais gérées par les communes elles-mêmes. «Le projet a évolué comme prévu, précise Daniel Valenghi, mais il faudra attendre encore deux à trois ans avant qu’il ne fonctionne de manière durable.» L’ONG locale Aga Khan Rural Support Programme a participé à la mise en place des microcentrales. La pérennité du projet devrait donc être assurée, malgré le désengagement suisse.
Que restera-t-il donc, une fois la DDC partie? «C’est dans l’humain que nous avons investi le plus, explique Daniel Valenghi. Formation, perfectionnement professionnel, constitution de réseaux: tout cela perdure.» Quant à l’infrastructure mise en place avec le soutien de la Suisse, elle pourra aussi être gérée de manière autonome dans la plupart des cas. Si le Pakistan reste l’un des pays les plus fragiles, le désengagement de la DDC à ce stade est défendable, du moins pour ce qui est des projets bilatéraux de coopération au développement, indique Daniel Valenghi. La Suisse reste représentée dans le pays par son ambassade. La DDC continue, pour sa part, à financer des institutions multilatérales. Elle est présente via ses programmes mondiaux. Une aide humanitaire peut, en outre, être fournie en cas de catastrophe.
Sur le plan économique, l’importance du Pakistan va croissant. Ce domaine devrait donc peser davantage encore à l’avenir dans les relations entre les deux pays. La Suisse est d’ores et déjà l’un des principaux investisseurs étrangers directs au Pakistan: de nombreuses entreprises helvétiques y sont implantées. «Le pays possède un énorme potentiel. Même sans l’aide au développement classique, les opportunités de coopération ne manquent pas», conclut Daniel Valenghi.
Au moment du retrait de la Suisse du Pakistan, la DDC a rassemblé des récits tirés de 50 ans de coopération au développement: un village séculaire, dans lequel des femmes ouvrent leur premier magasin; une jeune fille des bidonvilles, qui brille tant à l’école que sur le terrain de cricket; un réfugié afghan, devenu étudiant en master. Les vidéos sont publiées sur la page Facebook «Switzerland in Pakistan». Les histoires figurent également à l’adresse suivante: